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ARGOT MUSICAL - Brutal (Le). > Brutal (Le). Brutal (Le). -- Le canon. (Argot populaire.) Cet instrument exécute la partie
principale dans les orchestres du Concert européen.
« Je devins artilleur sans passer de concours.
L'artillerie ou l'art musical
c'est toujours
Du train, n'est-il pas vrai? D'ailleurs Sainte-Cécile
Est soeur de
Sainte-Barbe. Il est plus difficile
De jouer du canon que du cor, voilà tout.
Pour l'instrument rayé je n'avais pas grand goût;
Sa musique infernale était
trop mal doigtée.
Quand je sus couramment déchiffrer la portée,
On me fit
répéter pendant près de deux ans
La pièce qu'on allait monter. Ouf! mes enfants!
Ça coûte cher la note. »
(Rémi le timbalier. Paris-orchestre. E. Gouget.)
Malgré son caractère peu musical, le brutal a été employé par plusieurs
compositeurs.
« Ce fut, dit Lichtenthal, un Italien, le célèbre
Sarti, maître de chapelle, qui tenta, le premier, cette innovation. En 1788,
lors de la fête célébrée à Saint-Pétersbourg pour la prise d'Okzakow, il composa
un grand Te Deum qui fut exécuté dans le château impérial par une nombreuse
réunion de chanteurs et d'instrumentistes, auxquels se joignit un orchestre de
cors russes. Pour augmenter l'effet de cette musique grandiose, Sarti fit placer
dans la cour du château des canons de différents calibres, dont les coups, tirés
en mesure à des intervalles donnés, formaient la basse de certains morceaux. »
(Dictionnaire de musique.)
En 1792, la France donnait à ses frontières un grand concert vocal et
instrumental. On y exécuta la Marseillaise avec accompagnement obligé de
clarinettes de cinq pieds. Le canon faisait la basse continue.
Au mois d'août 1794, la Marseillaise fut chantée officiellement dans le Jardin
des Tuileries, pour célébrer la victoire de Fleurus. L'hymne de Rouget de l'Isle
y fut exécuté par quinze cents musiciens, avec accompagnement de sonneries de
cloches et de coups de canon. Après le festival, Gossec qui l'avait dirigé,
s'écria: « C'est dommage, mes artilleurs ne sont pas partis en mesure; une autre
fois, je ferai faire leur partie par la grosse caisse.»
Pendant l'exposition de 1867, l'État commanda à Rossini un hymne à la paix.
L'immortel railleur, prévoyant les orages futurs qui allaient fondre sur
l'empire, agrémenta cet hymne pacifique, en l'accompagnant de sonneries de
cloches et de coups de canon. «Excusez du peu!... »
Enfin, en 1870, pendant le siège de Paris, on donna un concert dont le produit
fut destiné à fondre un brutal que l'on baptisa du nom de canon Beethoven.
«Sous l'invocation du grand dieu de l'art, du Jupiter tonnant de la musique,
s'écriait A. de Lasalle en rendant compte de ce concert, il va donc être lancé
sur les Allemands des choses de fer ayant la forme de ce qu'à la classe de
solfège, on appelle des rondes. »
(Voir Clarinette de cinq pieds, coup de pistolet.)
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