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Accueil de la bibliothèque > Charles Gounod - Mémoires d'un artiste CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - L'Allemagne (3/4) > L'Allemagne (3/4)

Ce fut à lui que je dus d'entrer en relations, au bout de quelques semaines de séjour, avec le comte Stockhammer, l'un des hommes qui m'aient été le plus utiles à Vienne. Le comte Stockhammer était président de la Société philharmonique. Lévy, à qui j'avais fait entendre ma messe de Rome, me conduisit chez lui, et lui parla de ma messe en termes très favorables. Le comte m'offrit, avec un bienveillant empressement, de la faire exécuter, dans l'église Saint-Charles, par les solistes, les chœurs et l'orchestre de la société1. Le jour choisi fut le 14 septembre. On parut assez content de mon ouvrage, et le comte Stockhammer m'en donna sur-le-champ la preuve en me demandant une messe de requiem, — soli, chœurs et orchestre, — pour être exécutée dans la même église, le 2 novembre, fête de la Commémoration des morts.

Je n'avais que six semaines devant moi. Il était impossible d'être prêt pour l'époque indiquée, à moins de travailler jour et nuit, sans trêve ni relâche. J'acceptai avec joie et ne perdis pas un instant. Le requiem fut achevé en temps voulu. Une seule répétition fut suffisante pour que tout marchât à merveille, grâce à une généralité d'éducation musicale qu'on ne trouve qu'en Allemagne et qui est bien agréable à rencontrer. Je fus surtout émerveillé de la facilité avec laquelle les garçons des écoles déchiffraient à première vue : ils lisaient tous la musique aussi couramment que si c'eût été leur langue maternelle. Aussi l'exécution des chœurs fut-elle parfaite. J'avais, parmi les solistes, une voix de basse superbe : c'était Draxler, qui était alors tout jeune et partageait avec Staudigl l'emploi de première basse au théâtre. Depuis lors, Staudigl est mort fou, dit-on ; et Draxler, qui l'a remplacé, était encore au théâtre vingt-cinq ans après, en 1868, lorsque je retournai à Vienne pour y faire représenter mon opéra de Roméo et Juliette.

Quelque temps avant l'exécution de mon requiem, Nicolaï m'avait mis en relation avec un compositeur éminent nommé Becker, qui s'adonnait exclusivement à la musique de chambre; chez lui se réunissait, toutes les semaines, un quatuor dont le premier violon, Holz, avait intimement connu Beethoven, circonstance qui, en dehors de son talent, rendait sa fréquentation très intéressante. Becker était, en outre, le critique musical le plus accrédité peut-être à cette époque dans toute l'Allemagne. Il vint entendre mon requiem et en fit un compte rendu très élogieux, qui, pour un jeune homme de mon âge, était fort encourageant. Il disait, que cette œuvre, « tout en étant celle d'un jeune artiste qui cherchait encore sa voie et son style, révélait une grandeur de conception devenue très rare de son temps ».

Ce grand travail que j'avais accompli en si peu de semaines m'avait tellement fatigué que je tombai malade d'une angine très grave, avec abcès à la gorge. Ne voulant pas inquiéter ma mère, je ne donnai de nouvelles véridiques et confidentielles qu'à mes excellents amis Desgoffe, qui étaient à Paris. Dès qu'il me sut malade à Vienne, Desgoffe ne balança pas un instant : il quitta sa femme, sa fille, laissa de côté les tableaux qu'il préparait pour le Salon, et partit pour venir s'installer auprès de moi et me soigner.

On mettait, à cette époque, environ cinq ou six jours pour aller de Paris à Vienne ; nous étions en plein hiver, au mois de décembre, et ce trajet, déjà bien pénible dans une telle saison, le devint plus encore par suite d'une indisposition grave que mon pauvre ami avait contractée en route. Il arriva donc à Vienne ayant besoin lui-même de se soigner. Il n'en passa pas moins vingt-deux jours auprès de mon lit, dormant d'un œil sur un matelas par terre, épiant, avec la sollicitude d'une mère, le moindre de mes mouvements, et ne me quitta, pour retourner à Paris, que quand le médecin l'eut rassuré sur ma parfaite convalescence.

De telles amitiés ne se rencontrent pas souvent, et, sous ce rapport, la Providence m'a comblé.

Cependant le succès de mon requiem était venu modifier tous mes plans de séjour en Allemagne en me faisant prolonger ma résidence à Vienne. Le comte Stockhammer me fit, au nom de la Société philharmonique, une nouvelle commande. Il s'agissait d'écrire une messe vocale, sans accompagnement, destinée à être exécutée, pendant le carême, dans cette même église de Saint Charles, — mon patron. — Je n'eus garde de laisser échapper cette nouvelle occasion de m'exercer d'abord, puis de m'entendre, chose si rare et si précieuse au début de la carrière. Ce fut mon second et mon dernier travail à Vienne, d'où je partis aussitôt après pour me rendre à Berlin par Prague et Dresde où je ne fis que passer. — Je voulus, cependant, ne pas quitter Dresde sans avoir visité l'admirable musée où se trouvent, entre autres chefs-d'œuvre, la célèbre Vierge d'Holbein, et la merveilleuse Madone dite de Saint-Sixte, due au pinceau de Raphaël.

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