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MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - VOYAGE EN DAUPHINÉ. Deuxième pèlerinage à Meylan. — Vingt-quatre heures à Lyon. — Je revois Mme F****** — Convulsions de cœur. (4/13) > VOYAGE EN DAUPHINÉ. Deuxième pèlerinage à Meylan. — Vingt-quatre heures à Lyon. — Je revois Mme F****** — Convulsions de cœur. (4/13) À ces mots bienveillants, je commençai à palpiter plus
violemment. Je la regardai avec des yeux avides, reconstruisant en imagination
sa beauté et sa jeunesse éclipsées; et je lui dis enfin :
« — Donnez-moi votre main, madame. »
Elle me la tendit aussitôt, je la portai à mes lèvres et
je crus sentir mon cœur se fondre et tous mes os frissonner......
« — Dois-je espérer, ajoutai-je après un nouveau silence,
que vous me permettrez de vous écrire quelquefois et de vous faire de loin en
loin une visite ?
— Oh! sans doute; mais je resterai peu de temps à Lyon. Je marie un de mes
fils et je dois aller bientôt après son mariage, habiter Genève avec lui. »
N’osant prolonger davantage ma visite, je me levai. Elle
m’accompagna jusqu’à sa porte où elle me dit encore :
« — Adieu, monsieur Berlioz, adieu, je suis profondément
reconnaissante des sentiments que vous m’avez conservés. »
En m’inclinant devant elle je pris encore une fois sa
main que je gardai quelque temps appuyée sur mon front, et j’eus la force de
m’éloigner.
J’errais aux environs de sa demeure, tantôt me heurtant
contre les arbres des Brotteaux, tantôt m’arrêtant à contempler, du haut du pont
Morand, le cours tumultueux du Rhône, puis reprenant ma marche fiévreuse, sans
savoir pourquoi j’allais d’un côté plutôt que de l’autre, quand je rencontrai M.
Strakosch, le beau-frère de la célèbre cantatrice Adelina Patti.
« — C’est vous! Quel hasard! Adelina sera bien contente
de vous voir; elle est ici en représentations, on donne demain Le Barbier de
Séville, au grand théâtre, voulez-vous une loge pour l’entendre ?
— Je vous remercie, je partirai probablement ce soir.
— Eh bien, venez au moins dîner avec nous aujourd’hui; vous savez le plaisir
que vous nous faites toujours en pareil cas.
— Je n’ose vous le promettre, cela dépendra... je ne suis pas bien
portant... où demeurez-vous ?
— Au grand hôtel.
— Moi aussi. Eh bien, si je ne suis pas trop insociable ce soir j’irai dîner
avec vous; mais ne m’attendez pas. »
Une idée m’était venue, un prétexte m’était donné pour
retourner chez Mme F******, pour la revoir encore. Je courus chez
elle où j’appris qu’elle venait de sortir. Alors je chargeai sa femme de chambre
de lui dire que j’aurais le jour suivant une loge pour le grand théâtre, que si
Mme F****** voulait bien l’accepter et venir entendre Mlle
Patti, je resterais à Lyon, espérant avoir l’honneur de l’accompagner à cette
représentation; que dans le cas contraire je partirais le soir même. Que je la
priais en conséquence de me faire parvenir sa réponse avant six heures.
Je rentre; vingt minutes se passent. J’essaye de lire.
J’avais un volume de voyages acheté à Grenoble. Je ne comprends pas un mot de
mon livre. Je marche dans ma chambre. Je me jette sur mon lit. J’ouvre la
fenêtre. Je descends. Je sors. Bientôt je me retrouve devant le numéro 56 de
l’avenue de Noailles où elle demeurait. Mes jambes m’y avaient conduit
machinalement. Je ne me contiens plus, je remonte chez elle. Je sonne. On ne
m’ouvre pas. Une idée funeste vient aussitôt me marteler le cœur : aurait-elle
soupçonné que j’allais revenir et donné l’ordre de ne pas me recevoir ? Idée
absurde, qui me ronge cependant. Je reviens une heure après et j’envoie cette
fois le petit garçon de la portière sonner chez Mme F******. On
n’ouvre pas non plus à l’enfant. Que devenir ? rester à monter la garde devant
la maison ? c’est inconvenant, c’est ridicule. Malheur! m’en aller ? où ? chez
moi ? dans le Rhône ?... Elle ne veut peut-être pas m’éviter, on est réellement
sorti!... Une heure après nouvelle ascension de son escalier. J’entends
au-dessus de ma tête fermer sa porte et des voix de femmes parlant allemand. Je
continue à monter; je rencontre une dame inconnue qui descendait, puis une
seconde, et enfin une troisième... C’était elle, tenant une lettre à la main.
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