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Accueil de la bibliothèque > Dix écrits de Richard Wagner Dix écrits de Richard Wagner - Le Freischütz (5/5) > Le Freischütz (5/5)

L'appareil extérieur que l'on aura adapté à l'œuvre de Weber ne servira qu'à provoquer chez vous le besoin de sensations auxquelles répondent les ouvrages qui se produisent habituellement devant vous sous cette forme ; et vous serez trompés dans votre attente, car cet ouvrage a été créé par son auteur dans des vues bien différentes, et nullement pour satisfaire aux exigences du public ordinaire de l'Académie royale de musique. Là où sur nos théâtres une bande de cinq musiciens prennent le cor et le violon en main, où l'on voit quelques vigoureux gaillards, solidement bâtis, faire tourner en rond de robustes beautés, à la porte d'une guinguette, vous verrez arriver tout à coup les notabilités dansantes du jour ; vous verrez le beau danseur, qui paradait hier encore avec son superbe habit de satin couleur d'or, venir les recevoir dans ses bras l'une après l'autre ; vainement les élégantes sylphides feront de leur mieux pour exécuter des pas bohémiens, vous regretterez toujours les pirouettes et les bouffantes. Toutefois, elles en feront assez pour vous transporter par le souvenir dans la sphère habituelle de vos jouissances ; elles vous rappelleront les chefs-d'œuvre de vos grands maîtres, qui vous ont si souvent dans le genre de Guillaume Tell, où figurent également des chasseurs et des paysannes, et autres belles choses qui sont du ressort de la vie champêtre. Après ces danses, vous n'entendrez ni ne verrez rien de tout cela ; dans tout cet acte, vous n'aurez que l'air : A travers les bois, à travers les prairies, une chanson à boire de vingt mesures, et au lieu d'un finale, vous aurez un air. Mais je me trompe, vous aurez, le récitatif, qui vous fera entendre les plus puissants accords, où se révéleront un caractère, une vie musicale, comme on en aura rarement créé, j'en suis convaincu d'avance, car je sais jusqu'à quel point la verve de votre plus grand compositeur de musique instrumentale s'exaltera, pour n'ajouter que de belles et grandioses inspirations à l'œuvre du maître qu'il révère et qu'il admire ; et c'est précisément pour cela que vous ne connaîtrez pas le Freischüts, et peut-être même ce que- vous entendrez ne vous inspirera-t-il pas le désir de le voir tel qu'il est dans la naïveté de sa forme primitive.

Et s'il apparaissait réellement devant vous tel qu'il est dans toute sa simplicité, dans toute sa candeur ; si au lieu de toutes ces danses compliquées, apprêtées, qui, sur votre grande scène, accompagnent le cortège de la fiancée, vous n'entendiez que la petite chanson que fredonnaient les philosophes de Berlin, ainsi que je l'ai dit plus haut ; si au lieu de tous les magnifiques récitatifs qui vous frapperont de commotions profondes, vous n'aviez qu'à écouter le dialogue sans prétention que les écoliers savent par cœur en Allemagne, auriez-vous une intelligence plus complète du Freischütz? Vous sentiriez - vous disposés à vous laisser aller à cet enthousiasme rêveur qu'il a inspiré à quarante millions d'Allemands? Soulèverait-il chez vous les transports unanimes que la Muette de Portici a soulevés chez nous? Hélas ! j'en doute. Et peut-être M. Pillet, lui aussi, a-t-il senti le doute passer sur son âme comme un sombre nuage, lorsqu'il chargea M. Berlioz de pourvoir le Freischütz de ballets et de récitatifs. C'est un grand bonheur que ce soit M. Berlioz qui ait été appelé à remplir cette tâche. Sans doute, nul compositeur allemand n'eût osé entreprendre une œuvre pareille par piété envers l'œuvre et l'artiste. Or, en France , il n'y avait que M. Berlioz dont le talent et la conscience artistique fussent à la hauteur d'un tel travail. Nous avons au moins la certitude que, jusqu'à la note la moins importante, tout sera respecté, qu'on ne retranchera rien, et qu'on n'ajoutera que ce qu'il faudra strictement ajouter pour satisfaire aux statuts de l'établissement, que vous paraissez bien décidés à ne pas vouloir enfreindre. Et c'est là ce qui m'inspire de sombres pressentiments au sujet de notre bien-aimé Freischütz. Ah ! si vous pouviez, si vous vouliez voir et entendre le véritable Freischütz allemand, peut-être seriez-vous initiés à cette vie intime et méditative de l'âme qui est l'apanage de la nation allemande ; vous vous familiariseriez avec les douces et candides émotions qui vous font tour à tour désirer la présence de la bien-aimée et la solitude des bois ; peut-être comprendriez-vous cette horreur mystérieuse, ces sensations indéfinissables pour lesquelles votre langue n'a pas de nom, et que par de magnifiques décors, par des masques diaboliques, vous cherchez vainement à traduire. Dans tous les cas, cela vaut la peine d'aller à la représentation que donnera l'Académie royale de musique, et de chercher à se transporter par la pensée au milieu du monde merveilleux qui se révèle dans le Freischütz.

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