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Accueil de la bibliothèque > Charles Gounod - Mémoires d'un artiste CHARLES GOUNOD, MÉMOIRES D'UN ARTISTE - De l'artiste dans la société moderne (2/5) > De l'artiste dans la société moderne (2/5)

Et les visiteurs, cette foule d'inoccupés et de curieux qui assiègent votre porte du matin au soir ! On me dira : « C'est votre faute; vous n'avez qu'à fermer votre porte. » A merveille ; mais alors, voici venir les lettres de recommandation, auxquelles il est souvent fort difficile de refuser le service qu'elles vous demandent; en présence de quoi, on se résigne!... et voilà le visiteur introduit.

— Pardon, monsieur, je vous dérange!...
— Mais... oui, monsieur.
— Alors, excusez-moi; je me retire; je reviendrai une autre fois...
—- Oh! non!...
— Mais... quand peut-on vous voir sans vous déranger?
— Monsieur, on me dérange toujours, quand j'y suis.
— Vraiment? vous êtes donc toujours très occupé?
— Toujours, quand on ne me dérange pas.
— Oh! que je suis donc fâché!... Mais je ne vous prendrai que quelques minutes...
— Mon Dieu, monsieur, c'est plus qu'il n'en faut pour décapiter un homme, voire même une idée ; mais enfin puisque vous voilà, parlez.

C'est ainsi que les choses se passent journellement. Et je ne prends ici que l'artiste en général. Mais il y a une certaine catégorie d'artistes qui est, sous ce rapport, tout a fait privilégiée ; j'en puis parler en connaissance de cause ; c'est celle des musiciens.

Le peintre, le statuaire, abritent aisément leur journée de travail sous une consigne implacable : la séance du modèle ; et encore peuvent-ils, à la rigueur, continuer à tenir le pinceau ou l'ébauchoir en présence des visiteurs. Mais le musicien!... Oh ! le musicien, c'est bien différent. Comme il peut travailler pendant le jour, on lui prend ses soirées pour l'amusement des salons; et comme il peut travailler le soir, on lui dépense, on lui émiette ses journées sans le moindre scrupule. D'ailleurs, c'est si facile, la composition musicale! cela n'exige aucun travail! cela vient tout seul, d'inspiration.

On ne se figure pas le nombre incalculable des sollicitations indiscrètes auxquelles un musicien est quotidiennement en butte. Tout ce qu'il y a de jeunes pianistes, violonistes, vocalistes, compositeurs, rimeurs (lyriques ou non lyriques), de professeurs, d'inventeurs de méthodes, théories, systèmes quelconques, de fondateurs de périodiques qui vous persécutent de leurs offres d'abonnement, — sans compter les demandes d'autographes, de photographies, les envois d'albums et d'éventails, et mille autres choses encore, — tout cela constitue cette épouvantable obsession qui fait du musicien une sorte de propriété nationale ouverte au public à toute heure du jour.

En un mot, ce n'est plus notre maison qui est dans la rue, c'est la rue qui traverse notre maison; la vie est livrée en pâture aux oisifs, aux curieux, aux ennuyés, et jusqu'aux reporters de tout genre qui pénètrent dans nos intérieurs pour initier le public, non seulement à l'intimité de nos entretiens confidentiels, mais encore à la couleur de nos robes de chambre ou de nos vestons de travail.

Eh bien! cela est mauvais et malsain. Cette précieuse et délicate pudeur de conscience, qui ne s'entretient que par le recueillement, se décolore et se fane, chaque jour davantage, au contact de cette perpétuelle cohue, d'où l'on ne rapporte plus qu'une activité superficielle, haletante, fiévreuse, qui s'agite convulsivement sur les ruines d'un équilibre à jamais rompu. Adieu les heures de calme, de lumineuse sérénité qui seules permettent de voir et d'entendre au fond de soi-même; peu à peu délaissé pour l'agitation du dehors, le sanctuaire auguste de l'émotion et de la pensée n'est bientôt plus qu'un cachot sombre et sourd, dans lequel on meurt d'ennui faute d'y pouvoir vivre de silence.

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