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MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - XLI. Voyage à Naples. — Le soldat enthousiaste. — Excursion à Nisita. Les lazzaroni. — Ils m'invitent à dîner. — Un coup de fouet. — Le théâtre San-Carlo. — Retour pédestre à Rome, à travers les Abruzzes. — Tivoli. — Encore Virgile. (2/7) > XLI. Voyage à Naples. — Le soldat enthousiaste. — Excursion à Nisita. Les lazzaroni. — Ils m'invitent à dîner. — Un coup de fouet. — Le théâtre San-Carlo. — Retour pédestre à Rome, à travers les Abruzzes. — Tivoli. — Encore Virgile. (2/7) Comme je vaguais ainsi sans but, un militaire parlant
fort bien le français s'avance vers moi et m'offre de me montrer les diverses
curiosités de l'île, les plus beaux points de vue, etc. J'accepte son offre avec
empressement. Au bout d'une heure, en le quittant, je faisais le geste de
prendre ma bourse pour lui donner la buona mano d'usage, quand lui, se reculant
d'un pas et prenant un air presque offensé, repousse ma main en disant :
« — Que faites-vous donc, monsieur? je ne vous demande rien,... que de... prier
le bon Dieu pour moi. »
— Parbleu, je le ferai, me dis-je en remettant ma bourse dans ma poche, l'idée
est trop drôle, et que le diable m'emporte si j'y manque.
Le soir, en effet, au moment de me mettre au lit, je récitai très-sérieusement
un premier Pater pour mon brave sergent, mais au second j'éclatai de rire. Aussi
je crains bien que le pauvre homme n'ait pas fait fortune et qu'il soit resté
sergent comme devant.
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Je serais demeuré à Nisida jusqu'au lendemain, je crois, si un de mes matelots,
délégué par le capitaine, ne fût venu me héler et m'avertir que le vent
fraîchissait, et que nous aurions de la peine à regagner la terre ferme, si nous
tardions encore à lever l'ancre, à déraper. Je me rends à ce
prudent avis. Je descends; chacun reprend sa place sur le navire; le capitaine, digne émule du
héros troyen :
. . . . . . . . . Eripit ensem
Fulmineum
(ouvre son grand couteau)
strictoque ferit retinacula ferro.
(et coupe vivement la ficelle ;)
Idem omnes simul ardor habet ; rapiuntque, ruuntque;
Littora deseruere ; latet
sub classibus æquor ;
Adnixi torquent spumas, et cærulaverrunt.
(tous, pleins
d'ardeur et d'un peu de crainte, nous nous
précipitons, nous fuyons le rivage; nos rames font voler
des flots d'écume, la mer disparaît sous notre...... canot.)
Traduction libre.
Cependant il y avait du danger, la coquille de noix frétillait d'une singulière
façon à travers les crêtes blanches de vagues disproportionnées ; mes gaillards
ne riaient plus et commençaient à chercher leurs chapelets. Tout cela me
paraissait d'un ridicule atroce et je me disais : à propos de quoi vais-je me
noyer? A propos d'un soldat lettré qui admire Tasso ; pour moins encore, pour un
chapeau; car, si j'eusse marché tête nue, le soldat ne m'eût pas interpellé ; je
n'aurais pas songé au chantre d'Armide, ni à l'auteur de Galathée, ni à Nisida;
je n'aurais pas fait cette sotte excursion insulaire, et je serais
tranquillement assis à Saint-Charles en ce moment, à écouter la Brambilla et
Tamburini! Ces réflexions et les mouvements de la nef en perdition me faisaient
grand mal au cœur, je l'avoue. Pourtant, le dieu des mers, trouvant la
plaisanterie suffisante comme cela, nous permit de gagner la terre, et les
matelots, jusque-là muets comme des poissons, recommencèrent à crier comme des
geais. Leur joie fut même si grande, qu'en recevant les trente francs que
j'avais consenti à me laisser escroquer, ils eurent un remords, et me prièrent
avec une véritable bonhomie, de venir dîner avec eux. J'acceptai. Ils me
conduisirent assez loin de là, au milieu d'un bois de peupliers, sur la route de Pouzzoles, en un lieu fort solitaire, et je commençais à calomnier leur
candide intention (pauvres lazzaroni ! ), quand nous arrivâmes vers une
chaumière à eux bien connue, où mes amphytrions se hâtèrent de donner des ordres
pour le festin.
Bientôt apparut un petit monticule de fumants macaroni; ils m'invitèrent à y
plonger la main droite à leur exemple; un grand pot de vin du Pausilippe fut
placé sur la table, et chacun de nous y buvait à son tour,
après, toutefois, un vieillard édenté, le seul de la bande qui devait boire
avant moi, le respect pour l'âge l'emportant chez ces braves enfants, même sur
la courtoisie, qu'ils reconnaissaient devoir à leur hôte. Le vieux, après avoir
bu déraisonnablement, commença à parler politique et
à s'attendrir beaucoup au souvenir du roi Joachim, qu'il portait dans son cœur. Les
jeunes lazzaroni, pour le distraire et me procurer un divertissement, lui
demandèrent avec instance le récit d'un long et pénible voyage de mer qu'il avait
fait autrefois, et dont l'histoire était célèbre.
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