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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - XXIII. L'huissier de l'Institut. — Ses révélation! (1/3) > XXIII. L'huissier de l'Institut. — Ses révélation! (1/3)

XXIII

L'huissier de l'Institut. — Ses révélation!

Il y avait de mon temps à l'Institut un vieux concierge nommé Pingard, à qui tout ceci causait une indignation des plus plaisantes. La tâche de ce brave homme, à l'époque du concours, était de nous enfermer dans nos loges, de nous en ouvrir les portes soir et matin, et de surveiller nos rapports avec les visiteurs aux heures de loisir. Il remplissait, en outre, les fonctions d'huissier auprès de MM. les académiciens, et assistait, en conséquence, à toutes les séances secrètes et publiques, où il avait fait un bon nombre de curieuses observations.

Embarqué à seize ans comme mousse a bord d'une frégate, il avait parcouru presque toutes les îles de la Sonde, et, obligé de séjourner à Java, il échappa par la force de sa constitution, et lui neuvième, disait-il, aux fièvres pestilentielles qui avaient enlevé tout l'équipage.

J'ai toujours beaucoup aimé les vieux voyageurs, pourvu qu'ils eussent quelque histoire lointaine à me raconter. En pareil cas, je les écoute avec une attention calme et une inexplicable patience. Je les suis dans toutes leurs digressions, dans les dernières ramifications des épisodes de leurs épisodes ; et quand le narrateur, voulant trop tard revenir au sujet principal et ne sachant quel chemin prendre, se frappe le front pour ressaisir le fil rompu de son histoire en disant : « Mon Dieu! où en étais-je donc?...» je suis heureux de le remettre sur la piste de son idée, de lui jeter le nom qu'il cherchait, la date qu'il avait oubliée, et c'est avec une véritable satisfaction que je l'entends s'écrier tout joyeux : .« Ah ! oui, oui, j'y suis, m'y voilà. » Aussi étions-nous fort bons amis, le père Pingard et moi. Il m'avait estimé tout d'abord à cause du plaisir que j'avais à lui parler de Batavia, de Célèbes, d'Amboyne, de Coromandeil, de Bornéo, de Sumatra; parce que je l'avais questionné plusieurs fois avec curiosité sur les femmes javanaises, dont l'amour est fatal aux Européens, et avec lesquelles le gaillard avait fait de si terribles fredaines, que la consomption avait un instant paru vouloir réparer à son égard la négligence du choléra-morbus. Lui ayant un jour, à propos de la Syrie, parlé de Volney, de ce bon M. le comte de Volney si simple qui avait toujours des bas de laine bleue, son estime pour moi s'accrut d'une manière remarquable; mais son enthousiasme n'eut plus de bornes quand j'en vins à lui demander s'il avait connu le célèbre voyageur Levaillant.

— M. Levaillant!... M. Levaillant, s'écria-t-il vivement, pardieu si je le connais!... Tenez! Un jour que je me promenais au Cap de Bonne-Espérance, en sifflant... j'attendais une petite négresse qui m'avait donné rendez-vous sur la grève, parce que, entre nous, il y avait des raisons pour qu'elle ne vînt pas chez moi. Je vais vous dire...
— Bon, bon, nous parlions de Levaillant.
— Ah! oui. Eh bien! un jour que je sifflais en me promenant au Cap de Bonne-Espérance, un grand homme basané, qui avait une barbe de sapeur, se retourne vers moi: il m'avait entendu siffler en français, c'est apparemment à ça qu'il me reconnut.
— Dis donc, gamin, qu'il me dit, tu es Français?
— Pardi, si je suis Français! que je lui dis, je suis de Givet, département des Ardennes, pays de M. Méhul1.
— Ah! tu es Français?
— Oui.
— Ah!... — Et il me tourna le dos. C'était M. Levaillant. Vous voyez si je l'ai connu.

Le père Pingard était donc mon ami: aussi me traitait-il comme tel en me confiant des choses qu'il eût tremblé de dévoiler à tout autre. Je me rappelle une conversation très animée que nous eûmes ensemble le jour où le second prix me fut accordé. On nous avait donné cette année-là pour sujet de concours un épisode du Tasse : Herminie se couvrant des armes de Clorinde et, à la faveur de ce déguisement, sortant des murs de Jérusalem pour aller porter à Tancrède blessé les soins de son fidèle et malheureux amour.

Au milieu du troisième air (car il y avait toujours trois airs dans ces cantates de l'Institut; d'abord le lever de l'aurore obligé, puis le premier récitatif suivi d'un premier air, suivi d'un deuxième récitatif suivi d'un deuxième air, suivi d'un troisième récitatif suivi d'un troisième air, le tout pour le même personnage) ; dans le milieu du troisième air donc, se trouvaient ces quatre vers.

Dieu des chrétiens, toi que j'ignore,
Toi que j'outrageais autrefois,
Aujourd'hui mon respect t'implore;
Daigne écouter ma faible voix.

J'eus l'insolence de penser que, malgré le titre d'air agité que portait le dernier morceau, ce quatrain devait être le sujet d'une prière, et il me parut impossible de faire implorer le Dieu des chrétiens par la tremblante reine d'Antioche avec des cris de mélodrame et un orchestre désespéré. J'en fis donc une prière, et à coup sûr s'il y eu y quelque chose de passable dans ma partition, ce ne fut que cet andante.

1. Méhul est en effet de Givet, mais je doute qu'il fût né à l'époque où Pingard prétend avoir parlé de lui à Levaillant.

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