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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - XVIII. Apparition de Shakespeare. — Miss Smithson. — Mortel amour. — Léthargie morale. — Mon premier concert. — Opposition comique de Cherubini. — Sa défaite. — Premier serpent à sonnettes. (2/3) > XVIII. Apparition de Shakespeare. — Miss Smithson. — Mortel amour. — Léthargie morale. — Mon premier concert. — Opposition comique de Cherubini. — Sa défaite. — Premier serpent à sonnettes. (2/3)

Le bonheur veut que cette traduction en prose française soit si fidèle que j'aie pu adapter plus tard sous ma musique les vers anglais de Moore.

Si jamais cette élégie est connue en Angleterre et en Allemagne, elle y trouvera peut-être quelques rares sympathies; les cœurs déchirés s'y reconnaîtront. Un tel morceau est incompréhensible pour la plupart des Français, et absurde et insensé pour des Italiens.

En sortant de la représentation d'Hamlet, épouvanté de ce que j'avais ressenti, je m'étais promis formellement de ne pas m'exposer de nouveau à la flamme shakespearienne.

Le lendemain on afficha Romeo and Juliet... J'avais mes entrées à l'orchestre de l'Odéon ; eh bien, dans la crainte que de nouveaux ordres donnés au concierge du théâtre ne vinssent m'empêcher de m'y introduire comme à l'ordinaire, aussitôt après avoir vu l'annonce du redoutable drame, je courus au bureau de location acheter une stalle, pour m'assurer ainsi doublement de mon entrée. Il n'en fallait pas tant pour m'achever.

Après la mélancolie, les navrantes douleurs, l'amour éploré, les ironies cruelles, les noires méditations, les brisements de cœur, la folie, les larmes, les deuils, les catastrophes, les sinistres hasards d'Hamlet, après les sombres nuages, les vents glacés du Danemark, m'exposer à l'ardent soleil, aux nuits embaumées de l'Italie, assister au spectacle de cet amour prompt comme la pensée, brûlant comme la lave, impérieux, irrésistible, immense, et pur et beau comme le sourire des anges, à ces scènes furieuses de vengeance, à ces étreintes éperdues, à ces luttes désespérées de l'amour et de la mort, c'était trop. Aussi, dès le troisième acte, respirant à peine, et souffrant comme si une main de fer m'eût étreint le cœur, je me dis avec une entière conviction : Ah! je suis perdu. — Il faut ajouter que je ne savais pas alors un seul mot d'anglais, que je n'entrevoyais Shakespeare qu'à travers les brouillards de la traduction de Letourneur, et que je n'apercevais point, en conséquence, la trame poétique qui enveloppe comme un réseau d'or ses merveilleuses, créations. J'ai le malheur qu'il en soit encore à peu près de même aujourd'hui. Il est bien plus difficile à un Français de sonder les profondeurs du style de Shakespeare, qu'à un Anglais de sentir les finesses et l'originalité de celui de La Fontaine et de Molière. Nos deux poètes sont de riches continents, Shakespeare est un monde. Mais le jeu des acteurs, celui de l'actrice surtout, la succession des scènes, la pantomime et l'accent des voix, signifiaient pour moi davantage et m'imprégnaient des idées et des passions shakespeariennes mille fois plus que les mots de ma pâle et infidèle traduction. Un critique anglais disait l'hiver dernier dans les Illustrated London News, qu'après avoir vu jouer Juliette par miss Smithson, je m'étais écrié : « Cette femme je l'épouserai! et sur ce drame j'écrirai ma plus vaste symphonie! » Je l'ai fait, mais n'ai rien dit de pareil. Mon biographe m'a attribué une ambition plus grande que nature. On verra dans la suite de ce récit comment, et dans quelles circonstances exceptionnelles, ce que mon âme bouleversée n'avait pas même admis en rêve, est devenu une réalité.

Le succès de Shakespeare à Paris, aidé des efforts enthousiastes de toute la nouvelle école littéraire, que dirigaient Victor Hugo, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, fut encore surpassé par celui de miss Smithson. Jamais, en France, aucun artiste dramatique n'émut, ne ravit, n'exalta le public autant qu'elle : jamais dithyrambes de la presse n'égalèrent ceux que les journaux français publièrent en son honneur.

Après ces deux représentations d'Hamlet et de Roméo, je n'eus pas de peine à m'abstenir d'aller au théâtre anglais ; de nouvelles épreuves m'eussent terrassé; je les craignais comme on craint les grandes douleurs physiques : l'idée seule de m'y exposer me faisait frémir.

J'avais passé plusieurs mois dans l'espèce d'abrutissement désespéré dont j'ai seulement indiqué la nature et les causes, songeant toujours à Shakespeare et à l'artiste inspirée, à la fair Ophelia dont tout Paris délirait, comparant avec accablement l'éclat de sa gloire à ma triste obscurité; quand me relevant enfin, je voulus par un effort suprême faire rayonner jusqu'à elle mon nom qui lui était inconnu. Alors je tentai ce que nul compositeur en France n'avait encore tenté.
J'osai entreprendre de donner, au Conservatoire, un grand concert composé exclusivement de mes œuvres. « Je veux lui montrer, dis-je, que moi aussi je suis peintre! » Pour y parvenir, il me fallait trois choses : la copie de ma musique, la salle et les exécutants.

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