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Accueil de la bibliothèque > Mémoires de Hector Berlioz MÉMOIRES DE HECTOR BERLIOZ - A M. G. Osborne, dixième lettre, Hanovre, Darmastadt (1/6) > A M. G. Osborne, dixième lettre, Hanovre, Darmastadt (1/6)

A M. G. OSBORNE

DIXIÈME LETTRE

Hanovre — Darmstadt

Hélas! hélas! mon cher Osborne, voilà que mon voyage touche à sa fin! Je quitte la Prusse, plein de reconnaissance pour l’accueil que j’y ai reçu, la chaleureuse sympathie que m’ont témoignée les artistes, pour l’indulgence des critiques et du public; mais las, mais brisé, mais accablé de fatigue par cette vie d’une activité exorbitante, par ces continuelles répétitions avec des orchestres toujours nouveaux. Tellement que je renonce pour cette fois à visiter Breslau, Vienne et Munich. Je retourne en France; et déjà, à une certaine agitation vague, à une sorte de fièvre qui me trouble le sang, à l’inquiétude sans objet dont ma tête et mon cœur se remplissent je sens que me voilà rentré en communication avec le courant électrique de Paris. Paris! Paris! comme l’a trop fidèlement dépeint notre grand poète A. Barbier :

. . . . . Cette infernale cuve.
Cette fosse de pierre aux immenses contours,
Qu’une eau jaune et terreuse enferme à triples tours;
C’est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à long flot de la matière humaine.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . 
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Là personne ne dort, là toujours le cerveau

Travaille, et. comme l’arc, tend son rude cordeau.

C’est là que notre art tantôt sommeille platement et tantôt bouillonne; c’est là qu’il est à la fois sublime et médiocre, fier et rampant, mendiant et roi; c’est là qu’on l’exalte et qu’on le méprise, qu’on l’adore et qu’on l’insulte; c’est à Paris qu’il a des sectateurs fidèles, enthousiastes, intelligents et dévoués, c’est à Paris qu’il parle trop souvent à des sourds, à des idiots, à des sauvages. Ici il s’avance et se meut en liberté; là ses membres nerveux emprisonnés dans les liens gluants de la routine, cette vieille édentée, lui permettent à peine une marche lente et disgracieuse. C’est à Paris qu’on le couronne et qu’on le traite en dieu, pourvu cependant qu’on ne soit tenu d’immoler sur ses autels que de maigres victimes. C’est à Paris aussi qu’on inonde ses temples de présents magnifiques à la condition pour le dieu de se faire homme et quelquefois baladin. À Paris, le frère scrofuleux et adultérin de l’art, le métier, couvert d’oripeaux, étale à tous les yeux sa bourgeoise insolence, et l’art lui-même, l’Apollon pythien, dans sa divine nudité, daigne à peine, il est vrai, interrompre ses hautes contemplations et laisser tomber sur le métier un regard et un sourire méprisants. Mais quelquefois, ô honte! le bâtard importune son frère au point d’obtenir de lui d’incroyables faveurs; c’est alors qu’on le voit se glisser dans le char de lumière, saisir les rênes et vouloir faire rétrograder le quadrige immortel; jusqu’au moment où surpris de tant de stupide audace, le vrai conducteur l’arrachant de son siège, le précipite et l’oublie... 

Et c’est l’argent qui amène alors cette passagère et horrible alliance; c’est l’amour du lucre rapide, immédiat, qui empoisonne ainsi quelquefois des âmes d’élite :

L’argent, l’argent fatal, dernier dieu des humains,
Les prend par les cheveux, les secoue à deux mains,
Les pousse dans le mal, et pour un vil salaire
Leur mettrait les deux pieds sur le corps de leur père. 

Et ces nobles âmes ne tombent d’ordinaire que pour avoir méconnu ces tristes, mais incontestables vérités : que dans nos mœurs actuelles et avec notre forme de gouvernement, plus l’artiste est artiste, et plus il doit souffrir; plus ce qu’il produit est neuf et grand, et plus il en doit être sévèrement puni par les conséquences que son travail entraîne; plus le vol de sa pensée est élevé et rapide, et plus il est hors de la portée des faibles yeux de la foule.

Les Médicis sont morts. Ce ne sont pas nos députés qui les remplaceront. Vous savez le mot profond de ce Lycurgue de province qui écoutant lire des vers à l’un de nos plus grands poètes, à celui qui fit la Chute d’un Ange, dit en ouvrant sa tabatière d’un air paterne : « Oui, j’ai un neveu qui écri-z-aussi des petites c.....nades1 comme ça! » Allez donc demander des encouragements pour les arts à ce collègue du poëte.

1. En italien coglionorie.

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