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Accueil de la bibliothèque > Aspects de la contrebasse solitaire par Anne Salliot (1994)

Aspects de la contrebasse solitaire - PREMIERE PARTIE : Présentation de l'instrument - L'apport du jazz

PREMIERE PARTIE : Présentation de l'instrument > L'apport du jazz

III- L'apport du jazz

A- Evolution du rôle de la contrebasse dans le jazz

La contrebasse dans les petites ou grandes formations de jazz assure une double fonction : harmonique et rythmique. Harmonique car sa ligne est basée sur des chiffrages d'accord ; rythmique car elle assure avec fermeté les rythmes fondamentaux. Ce soutien du "walking bass" est d'ailleurs fréquemment comparé à celui des "basses continues" de la musique du dix-septième siècle.

Joachim Ernst Berendt situe l'histoire de la basse moderne avec Jimmy Blanton1. "Son lyrisme lui a permis d'en découvrir les potentialités" affirme Michel Gaudry2, ex-contrebassiste de l'orchestre de Duke Ellington. Avec Jimmy Blanton, la contrebasse devient déjà instrument soliste ; c'est-à-dire qu'elle crée une voix supplémentaire pouvant jouer par exemple un thème avec un instrument dit mélodique comme le trombone, la trompette... Charlie Mingus, Slam Steward par la suite développent ce nouvel aspect de la contrebasse. Mingus exécute des improvisations comme soliste (non accompagné), Slam Steward (et Major Holley) des solos utilisant archet et voix. A partir des années cinquante, "la contrebasse est délivrée de son rôle systématique d'accompagnement dans les sections rythmiques des ensembles, elle assume sa position de soliste majeure dans le free et les styles d'avant garde du jazz."3 Les contrebassistes de jazz sont nombreux : Red Mitchell ("un merveilleux soliste qui phrase avec une intensité et une mobilité égales à celle d'un saxophoniste"4), Scott La Faro, Ron Carter, Gary Peacock, Barre Philips, NHOP, Jean François Jenny Clarck, et une multitude d'autres ont su adhérer à ce concept de contrebasse soliste, et faire ainsi découvrir au public des ressources sonores insoupçonnées.

Le jazz a montré que la contrebasse était largement capable, digne, d'assumer d'autres fonctions que celle d'accompagnement. Il faut alors s'interroger sur la part de responsabilité du jazz dans l'avènement du répertoire pour contrebasse seule "classique" (ce terme est employé en opposition à celui de jazz ; il désigne la musique écrite contemporaine).

Le fait que la contrebasse ait pu prendre une telle ampleur dans le jazz a-t'il collaboré à l'apparition du répertoire pour contrebasse seule ? Nous posons des questions sans être en mesure d'apporter des réponses précises. Indéniablement, cependant, l'interprète devenu soliste dans la musique jazz a développé des techniques, des sonorités qui ont beaucoup apporté à la musique écrite.

B- Vélocité

Lorsque la contrebasse est instrument soliste en jazz, le désir d'accomplir des improvisations mélodiques plus libres et plus rapides tend à faire progresser la technique de la main gauche (plus de précision, de dextérité) et de la main droite avec le pizz. Alors que le pizz ne demandait qu'un doigt de la main droite, l'utilisation de deux ou trois doigts devient nécessaire pour répondre aux exigences de la ligne mélodique. L'objectif est de pouvoir construire une ligne mélodique aussi rapide et complexe que celle d'un instrument à vent, à clavier. Niels Henning Orsted-Pedersen (NHOP) considère qu'un solo "ne doit pas être déterminé par l'instrument. Ce qui me plaît aujourd'hui c'est qu'on a dépassé le point où on se heurte à des difficultés techniques."5

Dans plusieurs oeuvres écrites pour contrebasse seule, le pizz en succession rapide est utilisé, demandant une maîtrise de cette technique empreinte du jazz. C'est le cas dans In et Out de Dusapin, dans Fantasia Oscura de Marc Monnet. Ces deux oeuvres sont d'ailleurs composées pour le contrebassiste Jean Paul Céléa, qui se consacre beaucoup au jazz et aux musiques improvisées.

C- Recherches de sonorités

Avec Scott La Faro, Charlie Haden, Barre Philips, les recherches sur l'instrument s'orientent différemment : les effets sonores sont de plus en plus recherchés, plutôt que les effets de vélocité.

La contrebasse possède dès ses débuts dans le jazz une fonction rythmique, qui implique des effets percussifs sur l'instrument. Michel Gaudry évoque "une sorte de batterie souple qui serait accordée"6 pour désigner la contrebasse. Les modes de jeu tels que le slap, qui fait claquer la corde contre la touche peut aller jusqu'à simuler la présence de deux instruments. A partir des années 50-60, la contrebasse est utilisée réellement comme instrument de percussion. La caisse de l'instrument frappée produit des effets inouïs. Les harmoniques, les sons entre chevalet et cordier sont encore des sources d'exploration. Alyn Shipton cite encore des "improvisations simultanées sur plusieurs cordes."7 Un enregistrement de Dave Holland et Barre Philips (Music for two basses) rend compte de ces effets prodigieux.

Scott La faro, Jimmy Garrison, David Izenzon donnent à la contrebasse les sonorités de la guitare. Scott La Faro fait de son instrument une "sorte de guitare super dimensionnelle à registre grave dont la sonorité possède une diversité de possibilités qui aurait été jugée impossible avant lui, mais qui n'en satisfait pas moins toujours aux fonctions traditionnelles de la basse."8

D- Le rapport instrument- instrumentiste

Un autre aspect qui est en fait à l'origine du développement technique et musical de la contrebasse dans le jazz concerne la relation entre l'interprète et son instrument. Joachim Ernst Berendt définit le musicien de jazz comme plus investi, car plus sensible à ce qu'il joue que le musicien classique9 (nous ne parlons pas ici spécifiquement de la musique contemporaine). Hodeir remarque alors que "le compositeur de tradition européenne pense sa phrase dans l'absolu et s'efforce ensuite de la plier aux exigences d'un instrument donné. L'improvisateur de jazz ne créé qu'en fonction de l'instrument dont il joue : dans les cas d'assimilation les plus poussées, cet instrument est en quelque sorte une partie de lui-même."10 De toute évidence, une relation s'instaure entre l'interprète et son instrument, incontournable. Dans la musique contemporaine, et notamment dans le répertoire pour instrument seul, on assiste également à une personnalisation des oeuvres. Comme Shirley de Alina Piechowska est ainsi inspirée de la personnalité de Joëlle Léandre. Un lien véritable existe donc entre la contrebassiste (J. Léandre) et son instrument.

Une comparaison entre musique du jazz et celle du répertoire pour contrebasse seule, montre une recherche d'effets similaires. De nombreuses oeuvres utilisent la contrebasse en tant qu'instrument de percussion ( Zab de Philippe Boivin, Valentine de Jacob Druckman). Les improvisations simultanées rappellent la recherche de polyphonie (A. Mi. K. Ciao Trahn de Dao). En fait, l'esprit même de recherche de l'interprète de jazz (trouver des sonorités toujours plus étonnantes, faire de la contrebasse un instrument multiple, créer une relation avec l'instrument) est similaire à celui du compositeur ou de l'interprète des musiques écrites de notre époque. Joëlle Léandre, comparant les musiciens "classiques" aux musiciens friands de musique contemporaine dit : "Même les classiques ne peuvent pas ne pas être au courant du jazz. Le jazz a énormément apporté à la basse. Je souhaite pour eux qu'ils sache comment jouer Scott La Faro..."11

1- Joachim-Ernst Berendt. Le grand livre du jazz, éd. du Rocher pour la trad. française, 1986, p.386
2- Michel Gaudry. "La contrebasse chez Duke Ellington", jazz magazine, 510, mai 1994, p. 29.
3- Alyn Shimpton. "Double bass", New Grove jazz, London : Mac Millan, 1988, p. 303.
4- Joachim-Ernst Berendt. Op.cit., p. 389.
5- Cité par Joachim Ernst Berendt. Op cit., p. 393.
6- Michel Gaudry. Op. cit., p. 29.
7- Alyn Shipton. Op cit., p. 303.
8- Joachim Ernst Berendt. Le grand livre du jazz, éd. du Rocher pour la trad. française, 1986, p.39O.
9- Ibid. p. 180.
10- André Hodeir. Hommes et problèmes du jazz, Marseille : Parenthèses pour la trad. française, 1981, p.143.
11 - Joëlle Léandre. Entretien, août 1994.

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- Table des matières
- Avant-propos
- Introduction
- PREMIERE PARTIE : Présentation de l'instrument
- DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture
- TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument
- QUATRIEME PARTIE : Théâtre
- Conclusion
- Bibliographie
- Annexes

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