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Accueil de la bibliothèque > Aspects de la contrebasse solitaire par Anne Salliot (1994)

Aspects de la contrebasse solitaire - DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture - La dimension polyphonique

DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture > La dimension polyphonique

II- La dimension polyphonique

Deux types d'écriture polyphonique se distinguent. Le premier privilégie l'effet de simultanéité, dans une recherche de sonorités inouïes. L'empilement de notes crée l'effet sonore (partie A). Le second cherche une conduite de plusieurs voix, plusieurs parties (partie B).

A- L'effet d'amas sonore

1- Double corde et arpège

"Les doubles cordes sont possibles sur toutes les cordes conjointes et sur les cordes I et IV en passant l'archet entre les cordes et la table... les triples cordes ne sont réalisables telles qu'elles : on les joue soit arpeggiato, soit 2 par 2 arpeggiato en utilisant éventuellement les résonances."1 Dans une échelle tempérée, et pour une contrebasse accordée par quarte (mi la ré sol), les intervalles réalisables entre deux cordes conjointes (jusqu'au bout du manche) sont : la tierce mineure, majeure, la quarte juste, la quinte diminuée, la quinte juste.2 Après le manche, les intervalles se resserrent sur la touche, les possibilités se multiplient. De même, l'utilisation d'une corde à vide offre d'autres possibilités diverses, et un avantage technique. Improvisations de Kurtz exploite ce procédé dans plusieurs passages en double corde.


Exemple 1. Improvisations pour contrebasse seule, de E. Kurtz

Le jeu en double corde sur les cordes extrêmes (I et IV) est possible mais sa maîtrise est difficile. Turetzky note qu'une collaboration entre
compositeur et interprète est préférable pour l'exécution d'un tel mode de jeu.3

Les scordaturas, les micro-tons enrichissent encore le répertoire des intervalles réalisables.

a- Quelques intervalles spécifiques

Nous avons déjà énuméré la multitude de possibilités qu'offrent les doubles cordes. Dans la recherche d'effets sonores, certains intervalles sont privilégiés.

L'unisson permet d'associer deux timbres différents pour une hauteur de note unique. Au dix-huitième siècle, l'unisson est utilisé dans un souci de puissance sonore, nécessaire "dans les notes longues et aux finales"4. A une époque où le niveau instrumental est jugé fort bas, il est d'ailleurs étonnant de solliciter cet intervalle qui demande une justesse rigoureuse.

Au vingtième siècle, dans les Improvisations pour contrebasse seule, il semble qu'E. Kurtz utilise l'unisson dans ce même souci de puissance sonore : le la corde à vide est joué avec un la sur la corde IV, l'effet de double corde est accentué par un sforzando. Dans le quatrième des Cinq algorithmes (Boules de neige) de Philippe Boivin, l'unisson est présent par l'association d'une harmonique et d'une note appuyée. Les deux notes sont jouées avec un tremollando. Auparavant, à la quatrième mesure, lorsque deux la se succèdent, le compositeur conseille : "la seconde corde peut être légèrement haussée pour accentuer la différence de timbre avec la troisième corde."5 Philippe Boivin exploite les richesses sonores de deux notes jouées sur deux cordes différentes. Scelsi utilise fréquemment dans Le réveil profond l'unisson en double corde pour "épaissir" le son6. Nous sommes en présence de deux voix qui ont chacune leur propre jeu de nuances.

En fait, l'unisson dont nous vantons les possibilités de richesses sonores est peu présent dans les partitions du répertoire pour contrebasse seule, où l'écriture polyphonique est pourtant si prisée. L'emploi de l'unisson cité dans Improvisations et Boules de neige est très ponctuel. L'effet engendré par l'unisson est subtil, parfois à peine perceptible, si, comme dans ces deux oeuvres, il est utilisé sur une valeur rythmique courte. Scelsi laisse le temps de l'apprécier (valeur longue) ; dans ses pièces, l'unisson constitue un des procédés de la recherche sur le son. Cette utilisation de l'unisson en double corde révèle une démarche précise et originale de la part du compositeur.

L'intervalle resserré (du micro-intervalle au ton) constitue un intérêt majeur dans la recherche d'effets sonores. Jouées simultanément, deux notes rapprochées provoquent un effet de battement (deux fréquences proches entraînent un phénomène de renflement. Plus les deux notes sont rapprochées, plus le battement est rapide jusqu'à devenir imperceptible -unisson-). Seul le mode de jeu en double corde est nécessaire pour la réalisation de l'effet. Il crée une épaisseur supplémentaire à l'accord de deux notes et transcende la note écrite sur la partition. Philippe Boivin dans Cinq algorithmes explore le registre aigu, à l'aide d'harmoniques, Betsy Jolas le registre grave dans Episode huitième. L'écriture de Le réveil profond de Scelsi est fondée sur les intervalles resserrés (du micro-ton au demi-ton), pour les effets d'épaisseur qu'ils confèrent au son. Dans l'oeuvre Essay, Lombardi utilise également des notes rapprochées en double corde, notamment lorsque le contrebassiste réalise simultanément une partie vocale, et une partie instrumentale. Les intervalles sont mis en valeur par la durée des notes.

Exemple 1. Essay, de L Lombardi

Les autres intervalles n'offrent pas de caractéristiques particulières, bien que associés à une écriture contemporaine, leur effet sonore puisse être encore exceptionnel.

b- L'arpège

L'arpège est assimilé à un effet de simultanéité, et fréquemment à l'effet d'"amas sonore". Ce caractère est accentué par l'utilisation fréquente du registre grave (ou médium) de la contrebasse. Si pendant plusieurs siècles, les graves de la contrebasse furent dénigrés parce qu'ils "résonnaient confusément"7, ils constituent aujourd'hui un atout essentiel de l'instrument. Les compositeurs savent exploiter ce qui était considéré comme une défectuosité de la contrebasse.
Les cordes les plus graves par leur capacité de vibration (oscillation de la corde) créent individuellement un son épais, davantage marqué sur les cordes à vide. Ainsi plusieurs notes simultanées, ou arpégées (effet de simultanéité) accentuent ce caractère du registre grave. La sonorité de l'accord (ou de l'agrégat) est dite complexe car de l'assemblage de notes graves résulte un effet sonore plus qu'un effet "harmonique". Koechlin, au dix-neuvième siècle, écrit : "les triples et quadruples cordes pourraient être bien utiles dans les ff, elles donneraient une percussion menaçante non sans caractère. Il en résulterait une sonorité un peu confuse et telle qu'on ne percevrait pas tellement les harmonies."8 L'effet d'amas sonore semble reconnu, mais "inutilisable" comme tel.

L'arpège associé au registre grave et à une nuance fortissimo reflète l'intention d'une force intense. La dernière mesure de Théraps de Xénakis confirme nos précédents propos. L'arpège sur les cordes à vides (les notes sonnent comme écrit) est enchaîné promptement à un autre accord, accentuant ainsi le phénomène de confusion des notes. Le mode de jeu pesant-heavily spécifié par le compositeur contribue encore à l'effet du discours.


Exemple 1. Théraps, de Xénakis

1- Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J-P Robert, 1992.
2- Nous tenons compte ici d'une technique de jeu "classique". D'autres techniques peuvent élargir le choix des intervalles réalisables.
3- Bertram Turetzky. The contemporary contrabass, Berkeley : University of California press, 1974, p. 22.
4- Michel Corette. Méthode pour apprendre la contrebasse à 3, 4, ou 5 cordes, Genève : Minkoff, 1977, p.7. facsim. de l'éd. Paris, 1781.
5- Philippe Boivin. Cinq algorithmes, Paris : Salabert, 1991, notes pour l'interprétation.
6-cf. chapitre I, p. 37-40.
7- Paul Brun, Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982, p. 106.
8- Koechlin. Traité de l'orchestration, Paris : Eschig, 1954-55, vol. 1, p. 197.

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- Table des matières
- Avant-propos
- Introduction
- PREMIERE PARTIE : Présentation de l'instrument
- DEUXIEME PARTIE : Quelques aspects de l'écriture
- TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument
- QUATRIEME PARTIE : Théâtre
- Conclusion
- Bibliographie
- Annexes

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